Paul Bonnet est né à Drom, début juillet 1932, cadet de trois enfants d’une famille de cultivateurs. Le jour de son baptême, un jet de dragée brise malencontreusement la vitrine de l’épicerie. Alors le maréchal, mari de l’épicière, réclame malicieusement réparation à son père : « ton garçon devra épouser ma fille », laquelle naîtra l’année suivante. Et Paul épouse Monique, 10 ans plus tard : les deux enfants jouent le rôle des mariés dans une pièce de théâtre, à l’école ; puis il la ré-épouse encore 15 ans plus tard, « pour de vrai », cette fois. Et ça a duré 60 ans !
Entretemps, Paul a fait son service militaire, à Ambérieu, puis il est revenu à la vie civile : il continue l’exploitation agricole familiale. En hiver, il est aussi chauffeur à la carrière.
Monique lui donne un fils, Christian. Et le couple est aussi famille d’accueil pour Dédé, qui passera là toute son enfance de 7 à 18 ans, et considèrera toujours Monique et Paul comme « ses parents de Drom ».
Comme beaucoup, dans son village natal, Paul est volontaire dans le corps de sapeurs-pompiers : il pousse son engagement jusqu’au maximum de la limite possible, et donne 33 années au service de la population, mais aussi dans une amicale dynamique pour l’animation du village. Il est de la génération qui relance la fête de Drom avec la fabrication des tartes. Pendant une vingtaine d’années, elles se font dans son propre four où il en enfourne (et défourne ! ) pas loin de 10 000. D’ailleurs, le four sert souvent : entre la famille et les amis, tout est prétexte à une fournée de tartes ! Le sens de la fête est aussi présent en face, dans la « cave à Paul » ! Perpétuant la tradition de la vigne et des vendanges, il aime à faire goûter sa production . . . mais attention à ses verres . . . sans pied !
Pas une fête ne se termine, non plus, sans qu’il sorte sa bouteille de gnôle emmaillotée dans un tricot . . . trop fier de faire découvrir ensuite le reptile qu’elle cache.
Il s’engage aussi dans la vie municipale : il assure trois mandats de conseiller municipal, et trois en tant qu’adjoint au maire, soit 36 années dans la gestion communale, autant sur le terrain qu’autour de la table de réunion, pour la forêt, pour le réseau d’eau, et même pour la promotion et l’animation du Revermont : il reste longtemps le référent local de l’Association Touristique du Revermont. Et quand, en hiver, les ouvriers du service des eaux œuvrent à la réparation d’une fuite, il ne manque pas de leur apporter le vin chaud au fond de leur tranchée.
Cavet . . . et voyageur
L’année du cinquantenaire de la bataille de Verdun, il rachète une estafette de la Gendarmerie. Si elle est utile à l’exploitation, elle sert aussi tous les ans à une escapade entre copains : en commençant par Verdun. Pas un coin de France n’a échappé à de mémorables ballades, qui ont donné à nombre d’anciens du village l’occasion de voyager. Plus tard, la parité fera son œuvre, et les dames seront aussi du voyage !
A une époque où les services funéraires de Drom était assurés par l’amicale des sapeurs-pompiers, c’est l’estafette qui servait de corbillard : Paul a ainsi accompagné plus d’une cinquantaine de Dromniers à leur dernière demeure ! Au début de la sonorisation de la fête de Drom, on la retrouve encore à assurer la technique. C’est comme ça : Paul est de ceux qui participent à la vie associative ; à la vie mutualiste aussi : sociétaire de la coopérative de fromagerie, de la SICA, administrateur de la caisse locale de crédit agricole, qu’il préside même quelques années.
Les années sont passées, il est devenu grand-père, un grand-père fiers de Lucie et de Rémi ; puis l’heure de la retraite a sonné. Au moment où il arrête le métier de paysan, il s’achète . . . un tracteur ! Puis un autre, et encore un autre. Plutôt que de collectionner les timbres-poste, il collectionne les tracteurs ! Une grosse vingtaine occupe l’écurie et tous les locaux disponibles, dont sa série de Vierzon ! Avec son frère René, les vieux engins sont remis à neuf, et il ne manque pas une occasion d’en sortir un, ou plusieurs.
Puis viennent des années difficiles, où sa santé lui laisse peu de répit. Ca ne l’empêche pas de participer aux rencontres hebdomadaires du club, toujours prêt à passer un bon moment entre amis.
A l’aube de ses 85 ans, il commence l’année en réunissant sa famille : il tient à fêter ses noces de diamant avec Monique. Il résume leurs six décennies de complicité en quelques mots : « des parties de plaisir, beaucoup de travail et des bonnes engueulades ». Dans les mois qui suivent, il devient deux fois arrière-grand-père.
Puis, juste après une dernière sainte Barbe, il termine l’année en nous quittant. Bien sûr, il avait aussi ses défauts, ses traits de caractère, ses manies et certaines façons de faire qui pouvaient gêner, voire déplaire . . . mais il les a emportés avec lui et il restera le souvenir d’un type jovial, serviable, bon vivant, attaché à son territoire, mais curieux de toujours découvrir d’autres horizons, d’autres personnes, d’autres amis.
Beaucoup garderont en mémoire l’image du collectionneur de tracteurs, en salopette bleue dans son estafette bleue.
(Merci à Martine BONNET pour la photo du vigneron)