Simone Carrier, doyenne de Drom, s’est éteinte

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   Il y a presque 98 ans, en mars 1920, Simone voyait le jour à Drom, au fond de l’Impasse sur la Fontaine, dans une des plus anciennes familles de la vallée, les Corretel. Avec son frère, sa jeunesse se passe comme dans toutes les familles de paysans : l’école du village, mais surtout la participation aux tâches de la ferme, sans oublier les corvées d’eau, dans cette vallée si particulière.

   A 21 ans, elle épouse Marcel Carrier, lui aussi d’une famille de cultivateurs de Drom. Le couple exploitera la ferme de l’Enclos, en participant à la vie du village. Pendant les années sombres de l’occupation, on tue parfois une bête et on fabrique du pain pour approvisionner discrètement le maquis. C’est risqué, mais aucune dénonciation n’est à déplorer. Il y a quand même une fois des sueurs froides, lors d’un des bals organisés dans cette ferme à l’écart : on annonce la proximité de soldats ennemis, et il faut déguerpir !

   Quelques jeunes du village font partie du maquis : quand leurs expéditions les ramènent à Drom, ils dorment dans la grange et Simone leur apporte le café au lait le matin !

   On fait aussi du théâtre à Drom : la voiture de Marcel est alors souvent utilisée pour transporter la troupe, quand elle va se produire à l’extérieur.

   Le foyer accueille un fils, puis deux, trois, quatre, et encore un cinquième ; que des garçons ! Mais Simone n’est pas épargnée par les malheurs : des accidents lui ravissent une petite-fille, puis son mari. La maladie emporte encore son fils ainé, tout juste retraité.

   Simone surmonte les épreuves ; elle est devenue dix fois grand-mère, quatorze fois arrière-grand-mère, et même arrière-arrière-grand-mère. A l’ère de la dispersion des familles, elle a encore la chance d’avoir neuf de ses descendants (et leurs conjoints) établis tout près, dans son village. Et les autres ne sont pas trop loin.

   Elle ne manque alors pas une rencontre, une fête, une partie de cartes ; sinon, elle s’occupe au tricot ou à la broderie. On la voit aussi œuvrer un temps au bureau du Club de l’Age d’Or. Sa mémoire et sa connaissance du village en font aussi une sympathique source de renseignements pour connaître l’Histoire du village : elle se laisse volontiers « interroger » par un certain correspondant local pour fournir d’intéressantes précisions sur des époques révolues. Quant aux repas de famille, ils sont agrémentés de la chanson « Les blés d’or » qu’elle entonne volontiers.

   Elle voit donc évoluer le monde, mais ne se laisse pas distancer et s’intéresse à l’actualité. Pas question de voter par procuration : elle tient à se déplacer elle-même jusqu’aux urnes ! Et elle suit le sport à la télé, un peu le foot, mais pas trop ; par contre, elle est incollable sur le rugby et ne manque pas une étape du Dakar !

   Puis sa santé décline : si la tête fonctionne toujours bien, le corps ne suit plus vraiment. Mais elle peut encore rester chez elle, grâce aux services d’assistance (dont il convient de saluer la qualité), grâce à son dernier fils, présent quotidiennement, ou sa petite-fille, qui veille juste à côté. Grâce, surtout, à son caractère : que ce soit pour des soins ou pour le ménage, tous les intervenants apprécient de venir s’occuper de Simone : elle est si gentille !

   Il lui manquait deux ans pour devenir centenaire, mais le moral n’était plus là. Alors, un jour –ou, plutôt : une nuit- Simone a attendu le matin, elle a attendu que Charles arrive pour décéder chez elle, accompagnée de son plus jeune fils.

   Après Roger Jacquemet, son doyen, il y a quelques semaines, Drom perd aujourd’hui sa doyenne ; l’auteur du Dromoscope perd une de ses sources . . .  

  « Un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ».

Mars 2015 : Simone et ses garçons qui fêtent ses 95 ans (en médaillon, Daniel, décédé 10 ans plus tôt)

Simone tenait à venir voter elle-même ! (présidentielles, 06 mai 2017)

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