Roger, pour qui sonne le glas ?

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Que de bruit , juste au sommet de Marie Alice, la « petite » cloche côté Sud !

Depuis près d’un demi-siècle, Roger Corretel informe la communauté villageoise et accompagne les familles endeuillées en sonnant le glas

  A la fin de la seule messe de l’année, ou bien d’un mariage religieux, il est souvent des visiteurs qui admirent la petite église St Thyrse et, parfois, des curieux jettent un coup d’œil derrière le rideau qui sépare le clocher du chœur.  » Mais ? Ce n’est pas électrique ?  » est alors l’expression la plus courante quand ils découvrent deux paroissiens faisant sonner les deux cloches à la volée. Effectivement, à Drom, ne sont électrifiées que l’horloge et les sonneries des heures et des demi-heures ; et encore, seulement depuis 2012 : avant, c’est un poids qui fournissait l’énergie nécessaire en descendant dans le clocher.

Une sonnerie particulière

  Il est encore une autre occasion où les cloches sonnent manuellement : le glas informe ainsi d’un décès dans le village. Par définition, le glas signale l’agonie d’un fidèle, puis sa mort et ses funérailles, mais son usage et sa mise en œuvre varient suivant les régions, et même suivant les communes. On parle de  » glas romain  » dans le nord de la France, de  » glas tinté  » dans le sud. Le bourdon de Notre Dame de Paris n’est utilisé que pour des événements historiques ; en Haute Auvergne, le nombre de coups permettait de déterminer le sexe et l’âge du défunt.

Le spécialiste local

  Si l’usage du glas tend à s’estomper, la coutume subsiste toujours à Drom grâce à Roger Corretel. Issu d’une des plus anciennes familles de la vallée, cet agriculteur avait été sollicité par Marcel Raffin pour l’aider  » un jour que ça coinçait « , il y a une cinquantaine d’années. Ce dernier lui avait alors enseigné l’art d’enchaîner les  » ding  » et les  » dong  » dans le bon rythme et, là-dessus, Roger est intransigeant :  » c’est « ding, dingue, dong », et pas l’inverse ! « . En effet, les deux cloches sont simultanément sollicitées : la grosse est lancée à la volée et produit deux sons légèrement différents à l’aller et au retour. La plus petite, dont la corde est bridée suivant un réglage très précis, reçoit un coup qui doit s’insérer au bon moment entre les deux ; la moindre fausse note s’entend dans tout le village ! Il convient aussi de ne pas œuvrer au moment des sonneries régulières, au risque de provoquer des dégâts sur le mécanisme.

  Le glas est alors sonné trois fois avant les funérailles, le matin et le soir, voire à midi lorsqu’elles ont lieu l’après-midi ; puis à la fin de la cérémonie. Depuis un demi-siècle, Roger marque ainsi les deuils du village et accompagne donc ses concitoyens vers leur dernière demeure ; mais uniquement sur demande de la famille  » certains le veulent, d’autres, non  » précise notre sonneur qui indique avoir  » gaffé  » une fois en sonnant avant Pâques  » je me suis fait engueuler ! « 

  Beaucoup moins de familles souhaitent maintenant ce service, par conviction ou par méconnaissance. Il y a une quinzaine d’années, Roger a quand même tenté de transmettre son art, mais a repris le maniement des cordes, en s’étant assuré un suppléant occasionnel. En effet, celui qui est, à Drom, indissociable du glas, s’interroge :  » qui est-ce qui sonnera pour moi ? « 

Trois temps, deux cloches … un seul homme

Force et précision, puissance et sensibilité !

Les deux cloches : Marie Alice Albert Caroline (bénie en 1904) à gauche , Albertine Alice Marie-Louise (bénie en 1923) à droite ( . . . en dessus des personnages ! )